Comprendre le cacao

Depuis quelques années, la filière cacao connaît de profondes mutations : changement climatique, pressions économiques, standardisation industrielle. Dans ce contexte, les variétés de cacao dites « fines » ou « d’arôme », réputées pour leur complexité organoleptique, se trouvent à la croisée des chemins. Menacées mais porteuses d’avenir, elles posent la question cruciale de ce que nous voulons préserver, transformer ou abandonner dans notre rapport au goût, à l’agriculture et au vivant.
Qu’est-ce qu’un cacao fin ?
Selon la définition de l’ICCO (Organisation Internationale du Cacao), un cacao dit « fin » se distingue par ses qualités sensorielles : des arômes floraux, fruités, épicés ou maltés, une amertume faible ou absente, une faible astringence, et une belle longueur en bouche. Il s’oppose aux cacaos dits bulk (ou de masse), plus neutres ou amers, sélectionnés pour leur rendement, et destinés à l’industrie agroalimentaire.
Les cacaos fins appartiennent le plus souvent à des variétés anciennes ou à des écotypes spécifiques : Criollo, Nacional, Trinitario, ainsi que certains hybrides à dominance fine, sélectionnés avec soin. Leur profil aromatique dépend non seulement de leur génétique, mais aussi du terroir, des méthodes culturales, et de la qualité de la fermentation et du séchage.
L’ICCO reconnaît aujourd’hui plus de 200 cacaos différents comme cacaos fins, répartis sur une trentaine de pays producteurs, même si certains terroirs, comme Chuao, Porcelana, Marañón, Alto Piura ou Sambirano, sont devenus emblématiques de cette catégorie par leur singularité et leur constance aromatique.
Un cacao fin, c’est donc plus qu’une variété : c’est une chaîne complète de soins et de savoir-faire, du champ jusqu’au sac de fèves. Et c’est cette exigence collective, du planteur au transformateur, qui permet de révéler la richesse sensorielle d’un grand cacao.
Un patrimoine génétique en danger
La rareté du cacao fin n’est pas une coquetterie de marché : elle traduit une réalité biologique. Moins productives, plus sensibles aux maladies, ces variétés ont été largement remplacées par des clones industriels (type CCN-51) à haut rendement mais au profil organoleptique médiocre. Aujourd’hui, on estime que moins de 5 % du cacao mondial est classé comme « fin ou d’arôme », et ce chiffre tend à baisser sous la pression des marchés.
La perte de diversité génétique qui en découle est alarmante. Elle affaiblit la résilience de la filière face aux maladies, à la sécheresse ou aux bouleversements climatiques. Elle uniformise le goût, en rendant les chocolats interchangeables, plats, prévisibles.
Des perspectives malgré les fragilités
Pourtant, des signaux positifs existent. Le renouveau du mouvement bean-to-bar, la montée en puissance de chocolatiers artisans, la demande croissante pour des produits traçables, durables et expressifs redonnent un souffle au cacao fin.
Des initiatives d’organisations de recherche ou de coopératives engagées, œuvrent à l’identification, la sélection, et la protection de génotypes rares. La montée en compétence des planteurs, la valorisation par le prix, et l’engagement de transformateurs exigeants permettent de créer un cercle vertueux, mais fragile.
L’approche Orfève : défendre les cacaos fins par l’exigence
Chez Orfève, nous considérons le cacao fin non comme une exception, mais comme un standard à reconstruire. Nous ne cherchons pas la rareté pour elle-même, mais la vérité d’un goût ancré dans un terroir, une variété, une fermentation maîtrisée. Cela suppose de sourcer sur le terrain, d’accepter de dire non à des lots non conformes, de produire en petites séries, et de s’adapter aux récoltes.
Ce que nous défendons à travers notre travail, c’est la conviction qu’un chocolat peut être à la fois exigeant, durable, et porteur de sens. Et que l’avenir des cacaos fins ne dépend pas seulement des variétés elles-mêmes, mais de la rigueur, de la vision, et de la volonté de ceux qui les font exister.