Comprendre le cacao

Quel est le juste prix du chocolat ?

La question semble simple, mais elle cache une réalité bien plus complexe. Parce qu’il n’existe pas un seul chocolat, mais des filières, des méthodes de fabrication, des ingrédients et des engagements très différents.

Un chocolat à bas prix, comment est-ce possible ?

Prenons deux tablettes de chocolat au lait affichant 30 % de cacao :

  • La première est produite à partir de fèves standardisées, traitées à haute température, parfois alcalinisées, avec du beurre de cacao désodorisé en quantité, de la lécithine et des arômes pour compenser l’absence de complexité ou la mauvaise qualité des fèves.

  • La seconde provient de fèves rares, fermentées avec soin, torréfiées lentement, sans additifs, avec une formulation volontairement minimaliste, avec peu de beurre de cacao ajouté, pour respecter l’équilibre naturel de la fève et en révéler toute la complexité.

Dans un cas, le coût de production est tiré vers le bas par l’achat de matières premières standardisées, la production à grande échelle et les économies sur le sourcing.

Dans l’autre, la qualité du cacao, le travail post-récolte et la transformation artisanale font grimper le prix. Et le résultat, tant gustatif qu’éthique, n’a rien à voir.

Et le prix du cacao, dans tout ça ?

On parle beaucoup du prix du chocolat et, jusqu’à la crise de 2024, on parlait très peu de celui du cacao, qui en est pourtant l’ingrédient principal.

Dans de nombreux pays producteurs, les planteurs ne peuvent pas vivre dignement de leur travail. Le cacao est encore très majoritairement cultivé à la main, par près de 40 millions de petits producteurs, souvent dans des conditions précaires.

En moyenne, voici les prix qui étaient pratiqués avant la crise du cacao de 2024 :

  • Bord-champ (directement au planteur) : entre 1 et 1,50 US$ par kilo de cacao séché

  • FOB (prêt à l’export) : environ 2 US$ par kilo, selon les cours mondiaux

Ce sont des prix très bas, insuffisants pour couvrir les besoins de base.

Un prix qui n’a cessé de baisser

En 1950, une tonne de cacao valait environ 4 600 US$ (adapté à l’inflation).

En 2017, elle ne valait plus que 2 000 US$. Et pourtant, les méthodes de culture ont peu évolué.

Résultat :

  • 6 ans sont nécessaires entre la plantation et les premières récoltes

  • En 25 ans, un producteur peut espérer un revenu cumulé d’environ 782 € par hectare

Un chiffre alarmant, qui montre que le système actuel est tout sauf durable.

Et l’inflation ?

Une étude allemande a montré qu’une tablette de chocolat au lait coûtait le même prix en 2013 qu’en 1980. Si son prix avait suivi l’inflation, elle serait quatre fois plus chère.

Cette baisse ne s’explique pas uniquement par des gains de productivité : le cacao n’est pas un produit industrialisable comme un autre. Elle s’explique par des pressions constantes sur les prix payés aux producteurs.

Que s’est-il passé avec la crise de 2024 ?

En 2024, le prix du cacao a connu une envolée historique. En l’espace de quelques mois, la tonne est passée de 2 500 US$ à plus de 10 000 US$ sur les marchés internationaux. Du jamais vu dans l’histoire moderne du chocolat.

Mais pourquoi une telle flambée ? Et que révèle-t-elle sur l’état réel de la filière cacao ?

Une crise multifactorielle

On parle bien d’une crise. Pas conjoncturelle, mais structurelle. Et ses racines sont profondes.

  1. Des récoltes en forte baisse

En 2023-2024, les deux principaux pays producteurs de cacao, la Côte d’Ivoire et le Ghana, ont connu des récoltes catastrophiques :

  • des pluies excessives ont favorisé la prolifération de maladies (notamment le swollen shoot virus),

  • des sécheresses prolongées ont affaibli les cacaoyers,

  • et les sols, épuisés par des années de monoculture, n’ont pas permis de compenser.

Résultat : la production mondiale a chuté de plus de 20 % en un an.

  1. Un désengagement des planteurs

Le cours du cacao n’avait pas permis aux producteurs de vivre dignement depuis des décennies. En Afrique de l’Ouest, le prix payé bord-champ était souvent inférieur à 1,50 US$/kg, comme on l’a vu précédemment.

Face à cette absence de rentabilité :

  • beaucoup de planteurs ont abandonné leurs plantations,

  • peu ont renouvelé leurs cacaoyers vieillissants,

  • et la relève familiale se fait rare.

La crise de 2024 est aussi une crise du découragement.

  1. Une demande mondiale sous tension

Dans le même temps, la demande n’a pas baissé. Bien au contraire :

  • le marché asiatique a continué sa croissance,

  • les industriels ont constitué des stocks,

  • et le bean-to-bar a consolidé son ancrage dans les pays occidentaux.

Offre en recul, demande constante : les lois du marché ont fait le reste.

Une hausse qui rebat les cartes

Le prix du cacao a été multiplié par quatre, minimum.

Cela remet tout en question :

  • la rentabilité des recettes industrielles basées sur un cacao à bas prix,

  • la pertinence d’un modèle de production extractif,

  • et la viabilité d’une chaîne de valeur concentrée sur quelques pays.

Pour les fabricants, les marges se contractent.

Pour les consommateurs, les tablettes augmentent.

Et pour les planteurs… l’impact dépend des mécanismes de redistribution. Car tous ne bénéficient pas de cette hausse.

Un prix enfin revu à la hausse… mais bien tardivement

Face à l’envolée des cours du cacao sur les marchés mondiaux, plusieurs pays producteurs ont été contraints d’ajuster, enfin, les prix payés aux planteurs. Le prix « bord-champ », c’est-à-dire celui réellement perçu par les producteurs, a presque doublé en Afrique de l’Ouest lors de la nouvelle campagne, et parfois triplé en Amérique latine.

Cette hausse, spectaculaire et inédite depuis des décennies, était devenue indispensable pour faire face à l’explosion du coût de la vie, à l’augmentation des intrants agricoles, et aux pertes liées aux maladies et au dérèglement climatique.

Mais malgré cette revalorisation, on reste encore loin d’un revenu réellement digne pour les planteurs africains. Et surtout, cette hausse reste fragile : elle répond à un contexte de crise exceptionnel, sans changement structurel du modèle. Rien ne garantit, à ce jour, qu’elle sera durable.

L’approche Orfève

Chez Orfève, cette crise ne change rien à notre engagement fondamental.

Nous payons nos fèves bien au-dessus des cours mondiaux, depuis nos débuts,

Nous travaillons uniquement avec des producteurs ou coopératives engagés dans des démarches durables,

Nous considérons que le vrai prix du cacao est celui qui permet à ceux qui le cultivent de vivre dignement de leur travail.

Cette crise confirme ce que nous affirmons depuis le premier jour : un chocolat ne peut être durable si ceux qui le cultivent ne peuvent en vivre.